Constitution du Québec

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Le Concept de constitution interne

En vertu des principes de non-subordination et de non-ingérence inhérents au principe fédératif, les États fédérés ont, à l'instar de l'État fédéral, le pouvoir d'adopter ce que l'on appelle une constitution interne, c'est-à-dire une constitution propre à un État fédéré. En effet, la possibilité pour un État fédéré d'adopter et de modifier sa propre constitution interne est l'un des principaux éléments qui le distingue d'une instance décentralisée ou régionalisée, comme les Conseils régionaux français, les Communautés autonomes d'Espagne ou le Parlement écossais et l'Assemblée nationale du Pays de Galles au Royaume-Uni. Pour ces régions, les institutions, les pouvoirs et les règles de fonctionnement sont définis par une loi du parlement national. Dans un tel contexte, la Constitution fédérale contient des dispositions régissant la portée des constitutions internes ainsi que des dispositions transitoires relatives au fonctionnement des États fédérés. C'est ainsi que, par exemple, la Constitution américaine de 1787 stipule que chaque État est libre d'adopter sa propre constitution, à condition qu'elle ne soit pas de forme monarchique.

Le phénomène de "constitution interne" est répandu parmi les États fédérés dans le monde. Par exemple, chacun des 50 États américains a sa propre constitution interne, à l'instar de chacun des 16 Lænder allemands, de chacun des 26 cantons suisses, de chacun des 6 États australiens et des États fédérés dans plusieurs fédérations. Cependant, au contraire des autres fédérations, la grande majorité des provinces du Canada n'ont pas de constitution interne, outre les dispositions transitoires de la Constitution du Canada. La seule exception est la Colombie-Britannique, qui a adopté sa propre constitution interne en 1979.

La Constitution canadienne et la Constitution interne du Québec

En l'absence d'une loi fondamentale dûment adoptée par un Parlement provincial, la constitution interne des provinces du Canada est régie par les dispositions prévues dans le titre V, intitulé "Constitutions provinciales", de la Loi constitutionnelle de 1867. Aussi, la constitution interne du Québec est semblable à celle du Royaume-Uni, en ce sens qu'il n'existe pas de "constitution écrite" proprement dite, mais plusieurs lois "ordinaires" de portée constitutionnelle. Cependant, les provinces sont libres d'adopter leur propre constitution interne, laquelle peut régir l'ensemble des institutions législatives, exécutives, judiciaires et administratives formant l'État provincial sans intervention d'une autre province ou de l'État fédéral, à l'exception de la fonction de lieutenant-gouverneur, dont toute modification doit faire l'objet d'un amendement constitutionnel requérant l'approbation de l'ensemble des provinces et de l'État fédéral.

Les articles du Titre V de la Loi constitutionnelle de 1867 formant la Constitution du Québec sont les suivants:

V. Constitutions provinciales

Pouvoir exécutif

« 58. Il y aura, pour chaque province, un officier appelé lieutenant-gouverneur, lequel sera nommé par le gouverneur général en conseil par instrument sous le grand sceau du Canada.

59. Le lieutenant-gouverneur restera en charge durant le bon plaisir du gouverneur général; mais tout lieutenant-gouverneur nommé après le commencement de la première session du parlement du Canada, ne pourra être révoqué dans le cours des cinq ans qui suivront sa nomination, à moins qu'il n'y ait cause; et cette cause devra lui être communiquée par écrit dans le cours d'un mois après qu'aura été rendu l'ordre décrétant sa révocation, et l'être aussi par message au Sénat et à la Chambre des Communes dans le cours d'une semaine après cette révocation si le parlement est alors en session, sinon, dans le délai d'une semaine après le commencement de la session suivante du parlement.

60. Les salaires des lieutenants-gouverneurs seront fixés et payés par le parlement du Canada.

61. Chaque lieutenant-gouverneur, avant d'entrer dans l'exercice de ses fonctions, prêtera et souscrira devant le gouverneur général ou quelque personne par ce lui autorisée, les serments d'allégeance et d'office prêtés par le gouverneur général.

62. Les dispositions de la présente loi relatives au lieutenant-gouverneur s'étendent et s'appliquent au lieutenant-gouverneur de chaque province ou à tout autre chef exécutif ou administrateur pour le temps d'alors administrant le gouvernement de la province, quel que soit le titre sous lequel il est désigné.

63. Le conseil exécutif d'Ontario et de Québec se composera des personnes que le lieutenant-gouverneur jugera, de temps à autre, à propos de nommer, et en premier lieu, des officiers suivants, savoir: le procureur-général, le secrétaire et registraire de la province, le trésorier de la province, le commissaire des terres de la couronne, et le commissaire d'agriculture et des travaux publics, et - dans la province de Québec - l'orateur du conseil législatif, et le solliciteur général.
(NOTA: La composition du Conseil exécutif du Québec est maintenant prévue dans la Loi sur l'exécutif, L.R.Q. 1977, ch. E-18.)

[...]

65. Tous les pouvoirs, attributions et fonctions qui - par une loi du parlement de la Grande-Bretagne, ou du parlement du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, ou de la législature du Haut-Canada, du Bas-Canada ou du Canada, avant ou lors de l'union - étaient conférés aux gouverneurs ou lieutenant-gouverneurs respectifs de ces provinces ou pouvaient être par eux exercés, de l'avis, ou de l'avis et du consentement des conseils exécutifs respectifs de ces provinces, ou avec la coopération de ces conseils ou d'aucun nombre de membres de ces conseils, ou par ces gouverneurs ou lieutenant-gouverneurs individuellement, seront - en tant qu'ils pourront être exercés après l'union, relativement au gouvernement d'Ontario et Québec respectivement - conférés au lieutenant-gouverneur d'Ontario et Québec, respectivement, et pourront être par lui exercés, de l'avis ou de l'avis et du consentement ou avec la coopération des conseils exécutifs respectifs ou d'aucun de leurs membres, ou par le lieutenant-gouverneur individuellement, selon le cas; mais ils pourront, néanmoins (sauf ceux existant en vertu de lois de la Grande-Bretagne et d'Irlande), être révoqués par les législatures respectives d'Ontario et Québec.
(NOTA: En vertu de la Loi constitutionnelle de 1982, les pouvoirs du lieutenant-gouverneur ne peuvent maintenant être modifiés que selon la formule de modification, qui requiert le consentement unanime des provinces et du Parlement fédéral pour toute modification à la charge de lieutenant-gouverneur.)

66. Les dispositions de la présente loi relatives au lieutenant-gouverneur en conseil seront interprétées comme s'appliquant au lieutenant-gouverneur de la province agissant de l'avis de son conseil exécutif.

67. Le gouverneur général en conseil pourra, au besoin, nommer un administrateur qui remplira les fonctions de lieutenant-gouverneur durant l'absence, la maladie ou autre incapacité de ce dernier.

68. Jusqu'à ce que le gouvernement exécutif d'une province en ordonne autrement, relativement à telle province, les sièges du gouvernement des provinces seront comme suit, savoir: [...] pour Québec, la cité de Québec [...].

Pouvoir législatif

[...]

2. Québec

71. Il y aura, pour le Québec, une législature composée du lieutenant-gouverneur et de deux chambres appelées le conseil législatif de Québec et l'assemblée législative de Québec.
(NOTA: La Loi concernant le Conseil législatif, S.Q. 1968, ch. 9, stipule que le Conseil législatif est aboli et que la Législature du Québec est composée du lieutenant-gouverneur et de l'Assemblée nationale. En conséquence, les articles 72 à 79, que nous reproduisons ici, sont périmés.)

72. Le conseil législatif de Québec se composera de vingt-quatre membres, qui seront nommés par le lieutenant-gouverneur au nom de la Reine, par instrument sous le grand sceau de Québec, et devront, chacun, représenter l'un des vingt-quatre collèges électoraux du Bas-Canada mentionnés à la présente loi; ils seront nommés à vie, à moins que la législature de Québec n'en ordonne autrement sous l'autorité de la présente loi.

73. Les qualifications des conseillers législatifs de Québec seront les mêmes que celles des sénateurs pour Québec.

74. La charge de conseiller législatif de Québec deviendra vacante dans les cas, mutatis mutandis, où celle de sénateur peut le devenir.

75. Survenant une vacance dans le conseil législatif de Québec, par démission, décès ou autre cause, le lieutenant-gouverneur, au nom de la Reine, nommera, par instrument sous le grand sceau de Québec, une personne capable et ayant les qualifications voulues pour la remplir.

76. S'il s'élève quelque question au sujet des qualifications d'un conseiller législatif de Québec ou d'une vacance dans le conseil législatif de Québec, elle sera entendue et décidée par le conseil législatif.

77. Le lieutenant-gouverneur pourra, de temps à autre, par instrument sous le grand sceau de Québec, nommer un membre du conseil législatif de Québec comme orateur de ce corps, et également le révoquer et en nommer un autre à sa place.

78. Jusqu'à ce que la législature de Québec en ordonne autrement, la présence d'au moins dix membres du conseil législatif, y compris l'orateur, sera nécessaire pour constituer une assemblée du conseil dans l'exercice de ses fonctions.

79. Les questions soulevées dans le conseil législatif de Québec seront décidées à la majorité des voix, et, dans tous les cas, l'orateur aura voix délibérative; quand les voix seront également partagées, la décision rendue sera considérée comme rendue dans la négative.

80. L'assemblée législative de Québec se composera de soixante-cinq membres, qui seront élus pour représenter les soixante-cinq divisions ou districts électoraux du Bas-Canada, mentionnés à la présente loi, sauf toute modification que pourra y apporter la législature de Québec; mais il ne pourra être présenté au lieutenant-gouverneur de Québec, pour qu'il la sanctionne, aucun bill à l'effet de modifier les délimitations des divisions ou districts énumérés dans la deuxième annexe de la présente loi, à moins qu'il n'ait été passé à ses deuxième et troisième lectures dans l'assemblée législative avec le concours de la majorité des membres représentant toutes ces divisions ou districts électoraux; et la sanction ne sera donnée à aucun bill de cette nature à moins qu'une adresse n'ait été présentée au lieutenant-gouverneur par l'assemblée législative déclarant que tel bill a été ainsi passé.
(NOTA: Les dispositions de cet article relatives aux douze circonscriptions dites "protégées" [Argenteuil, Brome, Compton, Huntingdon, Mégantic, Missisquoi, Ottawa, Pontiac, Richmond-Wolfe, Shefford, Sherbrooke et Stanstead] ont été introduites afin de protéger la minorité anglo-protestante du Québec, car ces circonscriptions étaient alors majoritairement composées d'électeurs de langue anglaise et de religion protestante. Cependant, ces dispositions ont cessé de prendre effet lors de l'adoption de la Loi concernant les districts électoraux, S.Q. 1970, ch. 7., puisque les Québécois de langue anglaise y étaient devenus minoritaires de toute façon. Quant à la composition de l'Assemblée législative, elle a été modifiée dès 1890, et est maintenant déterminée en vertu de la Loi électorale, L.R.Q., ch. E-3.3.)

3. Ontario et Québec

81. Abrogé.
(NOTA: L'article 81 prévoyait que les parlements du Québec et de l'Ontario devaient être convoqués dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de l'A.A.N.B.. Il a été abrogé par la Loi de 1893 sur la revision du droit statutaire, 56-57 Victoria, ch. 14 (R.-U.).)

82. Le lieutenant-gouverneur d'Ontario et de Québec devra, de temps à autre, au nom de la Reine, par instrument sous le grand sceau de la province, convoquer l'assemblée législative de la province.

83. Jusqu'à ce que la législature d'Ontario ou de Québec en ordonne autrement, - quiconque acceptera ou occupera dans la province d'Ontario ou dans celle de Québec, une charge, commission ou emploi, d'une nature permanente ou temporaire, à la nomination du lieutenant-gouverneur, auquel sera attaché un salaire annuel ou quelque honoraire, allocation, émolument ou profit d'un genre ou montant quelconque payé par la province, ne sera pas éligible comme membre de l'assemblée législative de cette province, ni ne devra y siéger ou voter en cette qualité; mais rien de contenu au présent article ne rendra inéligible aucune personne qui sera membre du conseil exécutif de chaque province respective ou qui remplira quelqu'une des charges suivantes, savoir: celles de procureur-général, secrétaire et registraire de la province, trésorier de la province, commissaire des terres de la couronne, et commissaire d'agriculture et des travaux publics, et, - dans la province de Québec - celle de solliciteur général, - ni ne la rendra inhabile à siéger ou à voter dans la chambre pour laquelle elle est élue, pourvu qu'elle soit élue pendant qu'elle occupera cette charge.
(NOTA: Les dispositions de cet article, qui est probablement périmé, sont maintenant remplacées par celles de la Loi sur l'Assemblée nationale, L.R.Q., ch. A-23.1.)

84. Jusqu'à ce que les législatures respectives de Québec et Ontario en ordonnent autrement, - toutes les lois en force dans ces provinces respectives, à l'époque de l'union, concernant les questions suivantes ou aucune d'elles, savoir: l'éligibilité ou l'inéligibilité des candidats ou des membres de l'assemblée du Canada, - les qualifications et l'absence des qualifications requises des votants, - les serments exigés des votants, - les officiers-rapporteurs, leurs pouvoirs et leurs devoirs, - le mode de procéder aux élections, - le temps que celles-ci peuvent durer, - la décision des élections contestées et les procédures y incidentes, - les vacations des sièges en parlement, et l'émission et l'exécution de nouveaux brefs dans les cas de vacations occasionnées par d'autres causes que la dissolution, - s'appliqueront respectivement aux élections des membres élus pour les assemblée législatives d'Ontario et Québec respectivement.

[...]
(NOTA: Les dispositions de cet article, qui est probablement périmé, sont maintenant remplacées par celles de la Loi électorale, L.R.Q., ch. E-3.3 et de la Loi sur l'Assemblée nationale, L.R.Q., ch. A-23.1.)

85. La durée de l'assemblée législative d'Ontario et de l'assemblée législative de Québec ne sera que de quatre ans, à compter du jour du rapport des brefs d'élection, à moins qu'elle ne soit plus tôt dissoute par le lieutenant-gouverneur de la province.
(NOTA: Le mandat maximal de l'Assemblée législative du Québec a été porté à cinq ans, durant les années 1880, voir la Loi sur l'Assemblée nationale, L.R.Q., ch. A-23.1. De plus, la Loi constitutionnelle de 1982 a constitutionnalisé cette disposition pour l'ensemble des provinces.)

86. Il y aura une session de la législature d'Ontario et de celle de Québec, une fois au moins chaque année, de manière qu'il ne s'écoule pas un intervalle de douze mois entre la dernière séance d'une session de la législature dans chaque province, et sa première séance dans la session suivante.

87. Les dispositions suivantes de la présente loi, concernant la Chambre des Communes du Canada, s'étendront et s'appliqueront aux assemblées législatives d'Ontario et de Québec, savoir: les dispositions relatives à l'élection d'un orateur en première instance et lorsqu'il surviendra des vacances, - aux devoirs de l'orateur, - à l'absence de ce dernier, - au quorum et au mode de votation, - tout comme si ces dispositions étaient ici décrétées et expressément rendues applicables à chaque assemblée législative.

[...]

5. Ontario, Québec et Nouvelle-Écosse

89. Abrogé. »
(NOTA: L'article 89 stipulait que la première élection générale à l'assemblée législative de la Nouvelle-Écosse, de l'Ontario et du Québec devait avoir lieu en même temps que la première élection fédérale, soit à l'été 1867. Il a été abrogé par la Loi de 1893 sur la revision du droit statutaire, 56-57 Victoria, ch. 14 (R.-U.).)

6. Les quatre provinces

90. Les dispositions suivantes de la présente loi, concernant le parlement du Canada, savoir: - les dispositions relatives aux bills d'appropriation et d'impôts, à la recommandation de vote de deniers, à la sanction des bills, au désaveu des lois, et à la signification du bon plaisir quant aux bills réservés - s'étendront et s'appliqueront aux législatures des différentes provinces, tout comme si elles étaient ici décrétées et rendues expressément applicables aux provinces respectives et à leurs législatures, en substituant le lieutenant-gouverneur de la province au gouverneur général, le gouverneur général à la Reine et au secrétaire d'État, un an à deux ans, et la province au Canada.

Les autres lois de portée constitutionnelle

Outre les dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867, la Constitution interne du Québec est composée de lois adoptées par l'Assemblée nationale du Québec et relatives au fonctionnement général de l'État québécois. Parmi celles-ci, les principales sont les suivantes:

Sources

Brun, Henri, et Guy Tremblay. 1982. Droit constitutionnel. Supplément 1985 en annexe. Cowansville: Éditions Y. Blais, 1987.

Chevrier, Marc. 2000. "Pourquoi le Québec n'a pas de constitution". Le Devoir. 10 avril 2000, p. A-7.

Monière, Denis, de Bellefeuille, Pierre, Charron, Claude G., et Gordon Lefebvre. 2000. "Il faut convoquer une assemblée constituante". Le Devoir. 3 avril 2000, p. A-7.

Morin, Jacques-Yvan. 2000. "Une constitution dans un Québec souverain ou autonome". Le Devoir. 25 avril 2000, p. A-7.

Morin, Jacques-Yvan. 2000. "Prévoir la transition entre un Québec autonome et un Québec souverain". Le Devoir. 1er mai 2000, p. A-7.

Turp, Daniel. 2000. "Une Constitution contre son gré ou une Constitution de son choix". Le Devoir. 17 avril 2000, p. A-7.

Venne, Michel. 2000. "Une constitution du Québec ?". Le Devoir. 3 avril 2000, p. A-1.

Dernière mise à jour: 11 novembre 2004

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