Système électoral
Bien que largement inspiré du système électoral britannique, le Québec a su développer, au cours des années, un système électoral correspondant à ses valeurs et répondant aux problèmes auxquels il a dû faire face. Ce système électoral peut être décrit en fonction de plusieurs aspects, notamment:
Les Lois en vigueur
Au Québec, le processus électoral est régi par trois lois adoptées par l’Assemblée nationale: la Loi électorale (L.R.Q., c. E-3.3) et la Loi sur la consultation populaire (L.R.Q., c. C-64.1), qui s’appliquent aux scrutins provinciaux, et la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (L.R.Q., c. C-2.2, chapitre XIII), qui touche les élections municipales.
Il est à noter que le droit électoral fédéral et provincial sont distincts. C’est ainsi que le gouvernement fédéral ainsi que chaque province possède sa propre législation électorale et qu’elle ne peut légiférer sur l’autre palier; le gouvernement fédéral ne peut adopter de lois touchant les élections dans une province, et vice-versa.
Le Directeur général des élections
Le Directeur général des élections du Québec est une personne désignée (persona designata) par l’Assemblée Nationale afin de gérer le processus électoral au Québec, à l’exception des élections fédérales. Dans la tradition parlementaire britannique, la "personne désignée" est nommée par une législature afin d’exercer certains de ses pouvoirs, non pas comme mandataire mais à sa place, de façon autonome. En conséquence, le DGE dépend exclusivement du pouvoir législatif, et donc est indépendante du pouvoir exécutif. Ce faisant, seule l’Assemblée Nationale peut exercer un contrôle sur les faits et gestes du DGE, y compris des dépenses qu’il effectue, et ce par le biais d’une commission parlementaire.
Le Directeur général des élections est nommé pour une période de sept ans par une résolution approuvée par le deux-tiers (2/3) des membres de l’Assemblée nationale. Cependant, après que son mandat soit expiré, il demeure en fonction jusqu’à ce que son successeur soit nommé. Il est en charge de l’application de la Loi électorale, de la Loi sur la consultation populaire et de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. De plus, il est président de la Commission de la représentation électorale, qui est chargée de réviser la carte électorale à intervalles réguliers.
Plus précisément, le DGE est responsable de l’administration des scrutins provinciaux (élections générales et élections partielles), de la liste électorale permanente, du contrôle des dépenses électorales et du financement des partis politiques. Il dispose de pouvoirs d’enquête et de poursuite et a l’obligation d’informer les électeurs et les candidats. Il exécute tout mandat que lui confie l’Assemblée nationale et peut, le cas échéant, offrir à d’autres pays son aide et sa collaboration en matière électorale. Depuis mai 2000, la fonction de Directeur général des élections est exercée par Me Marcel Blanchet.
De 1867 jusqu’en 1945, l’administration générale des élections relevait du pouvoir exécutif en la personne du lieutenant-gouverneur et était confiée au plus haut fonctionnaire du gouvernement, le Greffier de la couronne en chancellerie (aujourd’hui, c’est le secrétaire général du Conseil exécutif qui est le plus haut fonctionnaire du gouvernement québécois). C’est en 1945 que fut créé le poste de Président général des élections, qui est devenu en 1978 le Directeur général des élections.
La méthode de votation
Le scrutin secret au moyen d’un bulletin de vote a été utilisé pour la première fois au Québec lors des élections générales de 1875, soit peu de temps après que ce principe ait été adopté par le Parlement de Westminster (en 1873). Auparavant, les électeurs enregistraient leur choix dans le registre du scrutin (poll book) de leur circonscription. Le choix de l’électeur ne pouvait être tenu secret, causant ainsi des pression indues (menaces, intimidation, usage de la force physique, cadeaux, etc.) de la part des cabaleurs sur les votants.
Le Mode de scrutin
Héritier du parlementarisme de type britannique, le Québec a également hérité de la Grande-Bretagne le mode de scrutin qu’il a également popularisé dans la plupart de ses anciennes colonies: le scrutin uninominal majoritaire à un tour.
Le scrutin majoritaire fut implanté dès les premières élections parlementaires tenues au Bas-Canada en 1792. Cependant, à l’époque, le territoire était divisé en circonscriptions élisant de un à six députés, selon la population, et chaque électeur avait autant de voix que de sièges à combler. C’était le scrutin plurinominal majoritaire à un tour ou «block vote», comme l’appelle la littérature anglo-saxonne. Cependant, à partir de 1867, les circonscriptions plurinominales furent abandonnées et le mode de scrutin devint uninominal majoritaire à un tour.
Malgré quelques tentatives (avortées) d’introduction de la représentation proportionnelle, notamment sous le gouvernement de René Lévesque (1976-1985), le scrutin uninominal majoritaire à un tour a toujours été largement utilisé au Québec. En fait, les modes de scrutin de type proportionnel n’ont jamais été employés pour aucune élection d’un corps public au Québec.
La Représentation électorale
Le territoire québécois est divisé en 125 circonscriptions électorales, chacune étant représentée par un député ou une députée. Les circonscriptions sont délimitées selon le principe de la «représentation effective des électeurs», selon le principe «un électeur, un vote».
Plus précisément, chaque circonscription, en plus de correspondre à une communauté naturelle, doit avoir un nombre d’électeurs ni supérieur, ni inférieur à 25 % du quotient obtenu par la division du nombre total d’électeurs par le nombre de circonscriptions. Il est à noter toutefois que la circonscription des Îles-de-la-Madeleine n’est pas soumise à la règle du 25 % en raison de son caractère insulaire et éloigné.
La Commission de la représentation électorale du Québec est l’organisme chargé de délimiter les circonscriptions électorales de l’Assemblée nationale ainsi que celles des municipalités. Elle est composée du Directeur général des élections, qui préside d’office la commission, ainsi que de deux commissaires nommés par l’Assemblée nationale parmi les électeurs. La CRE est permanente et jouit d’un pouvoir décisionnel, c’est-à -dire qu’elle décide elle-même des délimitations des circonscriptions sans que les députés puissent intervenir, bien qu’ils soient consultés. Le but visé par l’octroi d’un pouvoir décisionnel à la CRE est d’éviter que des considérations partisanes prennent le dessus sur la bonne représentation des électeurs ainsi que le phénomène de gerrymandering, qui est la révision de la carte électorale à l’avantage de ceux qui l’on faite: les gens du parti au pouvoir.
Les délimitations des circonscriptions sont révisées après la deuxième élection générale qui suit la dernière délimitation. En conséquence, la Commission de la représentation électorale est actuellement en travaux, puisque la dernière délimitation eut lieu en 2001, et qu’il y eut deux élections générales depuis (2003 et 2007).
Le Droit de vote
Le processus démocratique au Québec est tenu, à l’image de la plupart des sociétés démocratiques contemporaines, selon le principe du suffrage universel, sans aucune discrimination selon le sexe, la religion, la langue, l’origine, l’orientation sexuelle, etc.
Selon la Loi électorale, ont droit de vote aux élections à l’Assemblée nationale les personnes inscrites sur la liste électorale et remplissant trois critères, qui sont:
- Citoyenneté: être un citoyen canadien;
- Age: être âgé de 18 ans ou plus le jour du scrutin;
- Domicile: être domicilié au Québec depuis les six derniers mois précédant le déclenchement d’une élection ou d’un référendum.
Il n’y que deux catégories de citoyens n’ayant pas le droit de vote: ceux ayant été reconnus coupables de manœuvres électorales frauduleuses (dans les cinq ans précédant le jour du scrutin) et les personnes sous curatelle (une personne reconnue inapte de façon permanente, à la suite d’un jugement de tribunal, à prendre soin d’elle-même et à administrer ses biens est soumise au régime de curatelle publique au Québec). Par contre, les personnes ayant quitté le Québec de façon temporaire (c’est-à -dire qui ont quitté le Québec depuis moins de deux ans avec l’intention d’y revenir) peuvent voter par correspondance.
Il est à noter qu’environ 70 % de la population totale du Québec est inscrite sur la liste électorale, soit la presque totalité de la population adulte adulte.
Le Droit d’éligibilité
Au Québec et au Canada, le droit d’éligibilité a toujours été étroitement lié avec le droit de vote. C’est ainsi qu’en vertu de la Loi électorale, la seule qualification requise pour être candidat à une élection québécoise est de posséder le statut d’électeur et déposer une déclaration de mise en candidature incluant 100 signatures d’électeurs de la circonscription appuyant la candidature.
Toutefois, les catégories de personnes suivantes sont inéligibles: les juges des tribunaux judiciaires, le Directeur général des élections, les membres de la CRE et les directeurs de scrutin, les membres du Parlement du Canada, l’agent officiel d’un parti politique ou d’un candidat et les personnes déclarées coupables d’un acte criminel punissable de deux ans d’emprisonnement ou plus. De plus, un candidat ne peut se présenter en même temps dans plus d’une circonscription.
La Liste électorale
Le Québec est l’une des premières sociétés occidentales ayant adopté une liste électorale permanente. Elle fut introduite par le projet de loi no 40 (Loi sur l’établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d’autres dispositions législatives), qui fut adopté par l’Assemblée nationale le 15 juin 1995, et entra en vigueur le 1er juin 1997. Cette liste est utilisée lors des élections à l’Assemblée nationale, des élections municipales (conseils municipaux) ainsi que des élections scolaires.
La liste électorale permanente fut confectionnée à partir de la liste électorale utilisée lors du premier scrutin suivant l’adoption de la Loi 40, soit le référendum du 30 octobre 1995. Depuis ce temps, les informations personnelles sur les électeurs sont recoupées avec le fichier de la R.A.M.Q. (Régie de l’assurance-maladie du Québec, régime public d’assurance-maladie) afin d’assurer la mise à jour des informations contenues dans la liste (déménagements, décès, nouveaux citoyens, double inscriptions, personnes ayant atteint l’âge de 18 ans, etc.), dans les cas où un électeur n’aurait pas avisé lui-même le DGE de tels changements.
Il est à noter que l’inscription sur la liste électorale n’est pas obligatoire. Ainsi, un électeur désirant se retirer de la liste électorale (et donc de ne pas se prévaloir de son droit de vote) peut le faire en tout temps en avisant le Directeur général des élections. Il peut également s’inscrire en tout temps.
Le Financement politique et les dépenses électorales
L’assainissement du financement des partis politiques et des dépenses électorales était l’un des chevaux de bataille des partisans d’une réforme électorale en profondeur lors des années 50, 60 et 70. C’est ainsi que la Loi sur le financement des partis politiques, adoptée en 1977, basée sur trois grands principes, le pluralisme, l’équité et la transparence, a fait du Québec l’une des sociétés les plus avancées au monde en matière de financement électoral et de dépenses partisanes.
Le Financement des partis politiques
En vertu de la Loi électorale, seul un électeur peut contribuer (la contribution est définie comme étant un don en argent, un service rendu ou un bien fourni gratuitement par un électeur à même ses propres biens) à un parti politique, et ce pour une somme maximale de 3 000 $ par année par parti ou candidat indépendant. Il est donc interdit à une personne morale, qu’elle soit une société, un syndicat, un organisme sans but lucratif ou autre, de contribuer, et ce dans le but de diminuer les risques de corruption, de pots-de-vin, de promesses de contrats en l’échange d’une contribution d’une société ou de tout autre agissement contraire aux principes d’une démocratie moderne.
Cependant, à la suite d’un jugement de la Cour suprême du Canada en 1997, le concept d’intervenant particulier (électeur un groupe ne possédant pas la personnalité morale et n’étant pas membre d’un parti politique) a été introduit dans la Loi électorale. En vertu de ce principe, un électeur a le droit de faire ou d’engager, au cours d’une campagne électorale, une dépense de publicité pour faire connaître son opinion sur un sujet d’intérêt public ou obtenir un appui à une telle opinion ou encore pour prôner l’abstention ou l’annulation du vote. Cette dépense, d’un maximum de 300 $ par campagne électorale et à même les propres biens de l’intervenant, ne peut favoriser ni défavoriser directement un candidat ou un parti. Elle ne doit servir qu’à faire connaître l’opinion de l’intervenant particulier sur un sujet d’intérêt public. Il doit également soumettre un rapport de dépenses au Directeur général des élections après le scrutin.
Dans le même ordre d’idées, l’État octroie à chaque année une allocation aux partis politiques pour rembourser les frais relatifs à son administration courante, à la diffusion de son programme politique et à la coordination de l’action politique de ses membres. Ces allocations sont octroyées à même un budget correspondant à 0,50 $ par électeur inscrit dans l’ensemble du Québec et divisé entre les partis en fonction du pourcentage des voix obtenues lors des élections générales précédentes.
Enfin, dans un but de transparence, tous les partis doivent produire un rapport de leurs sources de financement, notamment en divulguant les nom et adresse des électeurs qui ont contribué pour plus de 200 $ cette année là . Ce rapport est public et est publié par le Directeur général des élections à chaque année.
Les Dépenses électorales
Toujours en poursuivant l’objectif d’équité, la loi limite les dépenses électorales (définis par la Loi électorale comme étant «le coût de tout bien ou service utilisé pendant une période électorale pour favoriser ou défavoriser directement ou indirectement l’élection d’un candidat ou celle des candidats d’un parti. Ce bien ou ce service doit être évalué à sa juste valeur.»), procurant ainsi à tous les candidats une chance de se faire élire. C’est le principe du «Une personne = un vote», et non «Un dollar = un vote».
Cette limitation touche, d’une part, le droit d’effectuer une dépense électorale. Seuls les partis politiques ou un candidat indépendant, par le biais de l’agent officiel (qui est la seule personne ayant le pouvoir d’autoriser une dépense en campagne électorale), peuvent effectuer une dépense électorale payée à même un fonds électoral financé conformément à la Loi.
La limitation s’applique, d’autre part, au montant qu’un parti ou candidat peut effectuer. Durant une campagne électorale (soit de l’émission des brefs à la fermeture des bureaux de scrutin le jour du vote), les dépenses sont limitées, pour un parti, à 0,50 $ par électeur dans l’ensemble des circonscriptions où ce parti a un candidat et, pour un candidat, à 1,00 $ par électeur dans sa circonscription.
En outre, l’État octroie un remboursement de 50 % des dépenses effectuées au cours d’une campagne électorale, si elles ont été engagées et acquittées conformément à la loi, à un parti qui a obtenu au moins 1 % des bulletins valides à un candidat qui a été proclamé élu, à un candidat élu lors de la précédente élection ou à un candidat qui a obtenu au moins 15 % des bulletins valides dans sa circonscription.
Enfin, un rapport public des dépenses et des revenus électoraux doit être produit par chaque candidat (indépendant ou non) ou parti politique après chaque élection générale. Ce rapport est également public par le Directeur général des élections.
Sources
Bernard, André. 1996. La vie politique au Québec et au Canada. Sainte-Foy : Presses de l’Université du Québec.
Bernard, André. 1995. Les institutions politiques au Québec et au Canada. Montréal : Boréal.
Directeur général des élections du Québec. 1999. Loi électorale. Règlements électoraux. L.R.Q., c. E-3,3. À jour le 15 novembre 1999. Sainte-Foy: Le Directeur.
Pageau, Gilles, et Jacques Laflamme. 1990. Le Système électoral québécois: Manuel des connaissances de base. Quatrième édition. Sainte-Foy: Le Directeur général des élections du Québec, 1999. Coll. Études électorales.
Perreault, Charlotte, et Madeleine Albert. 1996. Cinquante ans au coeur de la démocratie : le Directeur général des élections et l’évolution de la législation électorale de 1945 à 1995. Sainte-Foy: Le Directeur général des élections du Québec. Coll. Études électorales.
Thibault, Richard. 1993. Qu’est-ce que l’Assemblée nationale?. Édition mise à jour. Québec : Assemblée nationale du Québec, Direction générale de l’information, Direction des communications et de l’accueil.