L‘Association pour la revendication des droits démocratiques (ARDD) a dévoilé hier en conférence de presse un rapport sur « l‘effet des tendances démographiques sur la carte électorale du Québec » (malheureusement, le rapport n‘est pas encore disponible sur leur site Web). Selon ce qu‘en rapporte Radio-Canada, les régions rurales du Québec pourraient perdre jusqu‘à 7 sièges au cours des prochaines années en raison de leur faible poids démographique. L‘organisme a également annoncé des développements concernant son recours judiciaire pour invalider le mode de scrutin employé pour élire les députés à l‘Assemblée nationale (le scrutin uninominal majoritaire à un tour) en confirmant que leur cause sera plaidée devant la Cour supérieure du Québec du 1er au 8 décembre 2008. On en parle également ce matin dans Le Devoir (accès réservé aux abonnés).
Ce n‘est pas la première fois que l‘ARDD dénonce les iniquités que l‘on retrouve au chapitre du nombre d‘électeurs par circonscription électorale dans le but de mousser leur recours judiciaire contre l‘actuel mode de scrutin. L‘ennui, c‘est que la carte électorale qui est vertement dénoncée par l‘ARDD est déjà en cours de révision précisément pour corriger les iniquités que l‘organisme dénonce. Ça n‘a rien à voir avec leur poursuite devant les tribunaux, c‘est la Loi électorale qui oblige la Commission de la représentation électorale (CRE) à réviser la carte électorale à toutes les deux élections générales. Dès lors, une nouvelle carte électorale révisée devrait entrer en vigueur d‘ici un an et demi, voire deux ans, et alors toutes les iniquités les plus flagrantes devraient, en principe, avoir disparu.
Autre chose: les iniquités qui sont déplorées par l‘organisme pourraient facilement être atténuées en modifiant les critères régissant la modification des circonscriptions électorales, par exemple en réduisant l‘écart maximal par rapport à la moyenne du nombre d‘électeurs (au Québec, il est actuellement de +/- 25%, mais aux États-Unis, l‘écart admis est de moins de 1%), en instaurant un critère d‘égalité de représentation entre les régions administratives (étonnamment, ce n‘est pas le cas présentement) ou en interdisant à la CRE de déroger à la régle du 25% (la loi actuelle le permet sous certaines conditions). Pas besoin de changer le mode de scrutin pour avoir une carte électorale plus équitable.
Enfin, les membres de l‘organisme passent sous silence un détail important: dans la majorité des législatures dans le monde (on parle ici des parlements unicaméraux et des chambres basses dans les parlements bicaméraux), les sièges sont répartis entre les différentes régions selon le principe de représentation selon la population, et ce peu importe le mode de scrutin (sauf dans les rares cas où c‘est la proportionnelle intégrale avec une circonscription nationale unique, comme en Israël ou aux Pays-Bas). En d‘autres termes, même sous un scrutin proportionnel, les sièges à l‘Assemblée nationale continueront à être répartis au prorata de la population des régions et le problème de perte de sièges des régions rurales demeurera entier. Peu importe le mode de scrutin, la perte de poids démographique entraîne la perte de poids politique, c‘est aussi simple et brutal que ça.
Bref, à force de focusser leur argumentaire sur des aspects contestables de notre système politque, mais qui n‘ont rien à voir avec le scrutin uninominal majoritaire à un tour, les initiateurs du recours judiciaire risquent de se retrouver le bec à l‘eau, tant dans le dossier de la carte électorale que celui du mode de scrutin. Poursuivez la lecture de «ARDD: le recours judiciaire avance»→