Gilbert Lavoie parle ce matin dans Le Soleil d’un aspect souvent négligé dans la prise de décisions dans l’arène politique: le facteur monétaire. En effet, pour bien des politiciens désireux de passer d’un niveau de gouvernement à un autre (ou, dans le cas d’un gouvernement minoritaire à l’Assemblée nationale, le fait de défaire le gouvernement), la décision consiste souvent à assumer une perte garantie à court terme (l’absence de salaire entre la démission d’un poste électif et le scrutin à l’autre poste électif) en vue d’essayer d’obtenir un gain hypothérique à plus long terme (être élu lors du scrutin suivant). Et dans le cas des élus pour qui une défaite électorale signifie une perte salariale significative (en l’absence d’une pension ou si le métier qu’on pratiquait auparavant est moins payant), cela peut influencer grandement la décision de démissionner et/ou de voter contre le gouvernement lors d’un vote de confiance.

Nous verrons prochainement lors de l’élection à la mairie de Québec ou au cours des prochains mois à l’Assemblée nationale si, toutes choses étant égales par ailleurs, le facteur monétaire est déterminant chez nos élus ou si, en fin de compte, ça a peu d’importance.

Le jeudi 13 septembre 2007

Le fric et la politique

Gilbert Lavoie
Le Soleil

«Un tien vaut mieux que deux tu l’auras », dit le dicton.

C’est certainement la réflexion qu’a eue la députée de Taschereau, Agnès Maltais, en renonçant à la course à la mairie de Québec. La loi lui permettait de se porter candidate sans démissionner de son poste de député, mais ses adversaires l’auraient accusée de manquer de courage. Or abandonner un salaire de député de 82 073 $ par année, plus une allocation de dépenses de 14 467 $, c’est un pensez-y bien. Mme Maltais a opté pour la sécurité.

Son cas n’est pas unique. C’est pire encore pour Ann Bourget et Ralph Mercier, qui gagnent environ 100 000 $ par année, et à qui la loi demande de quitter leur poste s’ils veulent se présenter à la mairie. C’est deux ans de salaire qu’ils doivent sacrifier pour être candidat.

Claude Larose n’a pas ce problème : il peut prendre un congé sans solde de son employeur. Régis Labeaume serait indépendant de fortune, et Marc Bellemare a un cabinet juridique prospère. Ce sont les élus qui courent les plus gros risques dans ce genre d’aventure.

Le même dilemme attend les députés de Mario Dumont à l’approche de 2008 et de la date fatidique du prochain budget libéral. Renverser le gouvernement, c’est peut-être amusant, mais ça implique des élections et le risque de perdre son salaire.

Témoignage : Bernard Lord, l’ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick, était à Montréal lundi, pour le lancement des mémoires de Brian Mulroney. Selon lui, Mario Dumont y pensera deux fois avant de provoquer des élections. « Je vous parie qu’avant d’être élus, peu de députés de l’ADQ faisaient un salaire équivalent à ce qu’ils gagnent maintenant. Vous pensez qu’ils auront le goût de courir le risque d’une autre élection aussi rapidement ? Je connais ça, moi, les députés. » Vérification faite, Bernard Lord a raison. Un coup d’œil à la biographie des nouveaux élus adéquistes confirme que la plupart d’entre eux ont considérablement amélioré leurs conditions salariales en se faisant élire. On y retrouve quelques gens d’affaires, mais également des professeurs, des consultants, et même un ancien postier rural dont les revenus annuels n’étaient pas à la hauteur du salaire d’un député. Même un jeune avocat comme Pascal Beaupré, dans Joliette, diplômé du Barreau en 2005, reconnaît volontiers qu’il a amélioré son sort en devenant député. M. Beaupré n’a obtenu que 747 voix de plus que son adversaire péquiste Claude Duceppe. Il n’a aucune garantie de pouvoir se faire réélire contre un péquiste dirigé par Pauline Marois, plus populaire qu’André Boisclair. Il jure que le salaire n’influencera pas sa position lorsque viendra le temps de voter sur le budget libéral. On veut bien le croire, mais tout de même…

Certains péquistes vivent la même situation. Mais la plupart d’entre eux ont servi plusieurs années en politique, ont accumulé une pension respectable et auront droit à la prime de départ maximale, soit 12 mois de salaire après six ans de service.

Les bloquistes seraient de bon conseil pour les nouveaux élus qui n’auraient droit qu’à une allocation de départ de deux mois, s’ils devaient être battus à des élections au printemps 2008. Roger Clavet et Bernard Cleary croyaient avoir gagné à la loterie lorsqu’ils ont été élus dans Louis-Hébert et Louis Saint-Laurent le 28 juin 2004. Un salaire de 150 000 $ par année du fédéral, ce n’est pas négligeable, même pour un souverainiste. MM. Clavet et Cleary ont été défaits un an et demi plus tard, aux élections de 2006.

Je vous parie que même André Arthur ne mettra jamais son salaire actuel de député fédéral en péril pour tenter sa chance au municipal. Il parle fort, le moustachu, mais…

QuébecPolitique.com: 39e élection générale


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