Nous sommes conscients qu’en ce lendemain d’élections, nous ne nous ferons pas d’amis en proposant “plus de sondages”. ;-) En fait, par “plus de sondages”, nous entendons “plus de un type de sondage en particulier”.

Depuis lundi soir dernier, chacun avance sa petite explication sur les facteurs qui ont amené les électeurs québécois à voter comme ils l’ont fait (sur une base individuelle, s’entend), sur la signification de leur geste ainsi que sur les conséquences sur le plan politique. Par exemple, nous citions ce matin un article dans lequel le président de Léger Marketing, Jean-Marc Léger, avançait que les gains de Québec solidaire et du Parti vert pouvaient avoir carrément couté la victoire au Parti québécois. Ce n’est pas que la thèse soit farfelue en soi, mais ça manque un peu de démonstration. Une analyse macro des résultats électoraux ne permet pas nécessairement d’inférer sur les transferts de vote sur une base individuelle (à moins que Léger Marketing ait des données là-dessus, mais si c’est le cas, le simple fait de les rendre publiques enrichirait drôlement le débat). Nous parlons spécifiquement de Jean-Marc Léger ici, mais le commentaire s’applique à bon nombre de journalistes, commentateurs et analystes qui se sont fait entendre depuis lundi soir.

Comment y voir plus clair? Comment faire en sorte que les analyses électorales (et nous nous incluons là dedans) reposent sur des bases fiables et complètes? Une solution pourrait être de lancer une “étude électorale québécoise”, sur le modèle des grandes enquêtes universitaires sur les élections, telles que les American National Election Studies, les British Election Studies ou l’Étude électorale canadienne. Ce ne serait pas un précédent, il y a déjà eu de telles études réalisées par le passé, notamment par Maurice Pinard, professeur émérite à McGill, en 1960, 1962 et 1973, mais il n’y en a eu aucune lors des récentes élections, sans compter qu’un des intérêts de l’exercice est de le tenir à chaque élection générale afin d’évaluer l’évolution de l’électorat québécois au fil des années.

Qu’est-ce que ça pourrait donner de réaliser une étude universitaire sur les élections générales au Québec, demanderez-vous? En transposant les objectifs de l’Étude électorale canadienne dans le cas québécois, on pourrait avoir une idée assez claire de l’éventuel apport d’une “étude électorale québécoise”:

Le premier objectif de l’Étude est de produire un compte-rendu complet de l’élection afin d’identifier les principales raisons pour lesquelles les électeurs appuient un parti ou un candidat donné, de déterminer les constantes et les changements pendant la campagne et d’une campagne à l’autre, et de mettre en lumière les similarités et les différences entre le comportement électoral au Canada et dans d’autres pays démocratiques. Le deuxième objectif est de contribuer au développement de connaissances scientifiques sur les motivations des électeurs, la signification des élections et sur les campagnes électorales dans les pays démocratiques. Le troisième objectif est de constituer un ensemble important de données sur les attitudes et les opinions des Canadiens à l’égard d’un large éventail d’enjeux sociaux, économiques et politiques, ainsi que de rendre ces données disponibles auprès des chercheurs en science politique, en sociologie, en économie, en communication et en journalisme.

Mais alors, demanderez-vous encore, en quoi un sondage réalisé par des universitaires serait plus fiable qu’un autre réalisé par CROP ou Léger? En guise de réponse, citons le sommaire méthodologique de l’Étude électorale canadienne de 2000:

Le sondage a d’abord été mené durant la campagne électorale (fédérale de 2000) auprès de 3651 répondants. Puis, 2862 de ces répondants ont été interrogés à nouveau après l’élection. Enfin, 1535 personnes interviewées après l’élection ont complété un questionnaire postal.

Ajoutons à titre d’exemple que le questionnaire pré-électoral de l’Étude électorale canadienne de 2006 (voir ici: format pdf) fait pas moins de 159 pages dans sa version bilingue. Bref, sauf tout le respect qu’on doit aux maisons de sondage qui font face à diverses contraintes lorsqu’elles réalisent des sondages pour un journal ou un réseau télé, ça serait beaucoup plus complet qu’un questionnaire lu en 5 minutes sur l’heure du souper auprès de 1000 personnes.

Alors, avis aux chercheurs universitaires, think tanks, instituts de recherche et autres organismes subventionnaires: une étude électorale québécoise permanente serait une contribution intéressante au domaine de la science politique au Québec et aiderait certainement à donner un éclairage intéressant à l’évolution de l’opinion publique au Québec.


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