Drôle de timing
La campagne électorale est finie depuis deux semaines et pourtant, c’est aujourd’hui que la Presse canadienne a décidé de consacrer un article sur deux candidats (Starbuck Leroidurock et Super Cauchon) qui, en vertu de l’article 240 de la Loi électorale, étaient candidats sous leur “nom usuel” plutôt que sous leur véritable nom. Nous avions déjà soulevé cette question il y a un mois, et La Presse avait également abordé le sujet à peu près en même temps.
Pourquoi en parler maintenant alors que l’élection est finie, demanderez-vous? Nous ne le savons pas plus que vous.
Le mardi 10 avril 2007
La loi permet de se porter candidat sous un autre nom
Norman Delisle
Presse Canadienne
QuébecUn candidat aux élections québécoises peut poser sa candidature sous les nom et prénom usuels de sa vie professionnelle, même si ce n’est pas sa véritable identité.
C’est ainsi que les électeurs de Hochelaga-Maisonneuve ont retrouvé, le 26 mars dernier, le nom du chanteur Starbuck Leroidurock sur leur bulletin de vote. De même, dans la circonscription de Borduas, les électeurs avaient la possibilité de voter pour Super Cauchon.
L’article 240 de la loi électorale permet en effet de se porter candidat sous le nom qui est de notoriété constante dans sa vie politique, professionnelle ou sociale, à condition d’agir de bonne foi.
Starbuck Leroidurock est le nom de scène du chanteur rock Yan Lacombe, un rocker bien connu dans les milieux montréalais branchés sur ce genre de musique. Il a recueilli 193 voix comme candidat du Bloc Pot dans Hochelaga-Maisonneuve.
Quant à Super Cauchon, c’est l’animateur de radio Luc Cauchon, de la station CKOI. Ce dernier a été candidat indépendant dans la circonscription de Borduas, où le comédien Pierre Curzi a été élu sous la bannière du Parti québécois.
«Ma candidature constituait une option pour un électeur qui désirait faire un choix sans annuler son vote. Si un électeur n’était pas content des choix qui s’offraient, il pouvait voter pour moi en guise de protestation», a déclaré M. Cauchon à la Presse Canadienne. Il a eu l’appui de 262 électeurs.
Cet article de la loi électorale peut donner l’impression de faciliter des candidatures farfelues lors d’élections générales et de diminuer ainsi la crédibilité du processus démocratique.
Mais plus sérieusement, il vise à permettre à quelqu’un de présenter sa candidature sous le nom avec lequel il s’est fait connaître du grand public.
Par exemple, le candidat péquiste dans Ungava au scrutin de 1981, Marcel Lafrenière, gérant du service des loisirs de Chibougamau, était surtout connu sous le surnom de «Jim». Il a donc été autorisé à inscrire ce surnom sur les bulletins de vote lors des élections.
«Il n’a jamais été question de modifier cet aspect de la loi, souligne Marianne Régnier, du bureau du Directeur général des élections du Québec. Comme il n’y a jamais eu de débordements, ni les partis politiques du Québec ni le directeur des élections n’ont senti le besoin de changer cet article».
Au niveau fédéral, avant l’arrivée du Bloc québécois, plusieurs électeurs indépendantistes avaient jeté leur dévolu sur le Parti rhinocéros, une formation politique fondée en 1963 par le Dr Jacques Ferron, un auteur souverainiste célèbre qui se présentait comme l’Eminence de la Grande Corne du Parti rhinocéros.
Beaucoup de candidats Rhinocéros se présentaient sous leur nom de plume ou leur nom d’artiste.
Dans la décennie de 1970, un groupe d’artistes s’est associé au parti afin de créer une plateforme politique comique lors des élections fédérales. Ferron en 1979, le poète Gaston Miron en 1972 et le chanteur Michel Rivard en 1980 ont posé leur candidature contre le premier ministre Pierre Elliott Trudeau dans la circonscription de Mont-Royal, à Montréal.
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Tags: élection générale 2007, candidats, DGE, Loi électorale
1+1=2?
C’est ce que Greenpeace semble croire en matière de gestion forestière, selon cet article de la Presse canadienne paru sur Cyperpresse et sur Canoë:
Mise à jour: 10/04/2007 11h32
Enquête de Greenpeace
Le PLQ favorisé par l’industrie forestière
(D’après PC) - Une enquête menée par Greenpeace révèle que le Parti libéral du Québec a été favorisé par les personnes liées aux entreprises membres du Conseil de l’industrie forestière du Québec.
En épluchant le Registraire des entreprises du Québec et les rapports financiers du directeur général des élections du Québec de 2001 à 2005, Greenpeace a découvert que les libéraux ont reçu, pour la seule année 2005, 70% de tous les dons provenant des personnes liées aux 103 compagnies membres du Conseil, de même que 88% des dons de ces personnes en 2004.
Mélissa Filion, responsable de la campagne Forêt boréale de Greenpeace, conlut que le premier ministre Jean Charest et le président du Conseil, l’ex-ministre péquiste Guy Chevrette, protègent les industriels de la forêt.
Mme Filion précise que les personnes liées aux compagnies membres du Conseil ont donné 44 215$ aux libéraux en 2005, contre 16 375$ au Parti québécois et 3000$ à l’Action démocratique du Québec. En 2004, elles ont donné 31 130$ au PLQ, 4020$ au PQ et 220$ à l’ADQ.
Greenpeace soutient donc que la proportion des contributions allant au PLQ par les personnes liées aux compagnies membres du Conseil dépasse largement la proportion observée dans l’ensemble de la population. En 2005, les libéraux ont reçu 64,38% de tous les dons de plus de 200$ alors qu’ils recevaient 79,29% de ces dons en 2004.
Entre-temps, Mélissa Filion déplore qu’il n’y ait que 4% d’aires protégées en forêt boréale plus de deux ans après la publication du rapport Coulombe. Greenpeace soutient que le Québec connaît un retard marquant pour la conservation et que le gouvernement libéral ne gère pas la forêt de façon indépendante.
Voici ce que les principaux intéressés avaient à dire là-dessus quelques heures après la publication de l’article:
CONSEIL DE L’INDUSTRIE FORESTIERE DU QUEBEC
A l’attention du directeur de l’information:
Un pétard mouillé
QUEBEC, le 10 avril /CNW Telbec/ - “Greenpeace devrait s’inscrire dans la lignée de son co-fondateur, M. Partrick Moore, détenteur d’un doctorat en écologie. Un vrai scientifique sait faire la part des choses : 44 000 $ versés par des gens oeuvrant pour l’industrie forestière sur un total de 7 193 144 $ de contributions totales cela représente seulement 0,61 %, et 31 130 $ sur 7 863 843 $ représentent 0,40%. Il s’agit de contributions minimes. De plus, considérant ces données, il apparaît très plausible que des personnes en provenance d’autres secteurs donnent des sommes beaucoup plus élevées”, a déclaré M. Jacques Gauvin, adjoint au président-directeur général du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) en réagissant au communiqué de presse diffusé par Greenpeace plus tôt ce matin. “Dommage que la rigueur de M. Moore n’ait pas été mieux transmise à ses successeurs”, a-t-il ajouté.
Cette accusation est d’autant plus farfelue que c’est au cours de 2004-2005 que l’industrie forestière a subi des soustractions de territoires de coupe, mis en réserve pour d’éventuelles aires protégées, ainsi qu’à une première réduction de la possibilité forestière de 20 % pour les principales essences récoltées au Québec. De plus, les données rendues publiques par le Forestier en chef en décembre dernier montrent que 3,5 millions d’hectares ont été soustraits aux territoires admissibles à la récolte forestière.
“Au lieu de poursuivre une chasse aux sorcières qui ne rime à rien, Greenpeace devrait s’en tenir à défendre les dossiers qui lui tiennent à coeur sans attaquer des gens dont les orientations politiques sont tout à fait légitimes dans une société démocratique”, a conclu M. Gauvin.
A propos du CIFQ
Le Conseil est le porte-parole de l’industrie forestière du Québec. A elles seules, les entreprises de sciage résineux et feuillu, de déroulage, de pâtes, papiers, cartons et de panneaux oeuvrant au Québec génèrent 12,9 milliards $ en activités économiques chaque année, près de 4 milliards $ en salaires dont près de 1,5 milliard $ est retourné aux gouvernements sous forme de taxes et d’impôts payés par les entreprises et les travailleurs.
Renseignements: Nadia Boutin, Adjointe aux communications, Conseil de l’industrie forestière du Québec
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Tags: DGE, financement politique, Jean Charest, PLQ
Les sondeurs ne sont pas les seuls à avoir été surpris par la tournure qu’a pris l’élection générale d’il y a deux semaines, les organisateurs politiques aussi, et selon plusieurs d’entre eux, une révision des méthodes traditionnelles pour faire sortir le vote s’impose (nous en parlions également le lendemain du scrutin):
Le lundi 09 avril 2007
LES MACHINES ÉLECTORALES
L’échec des moyens traditionnels
Michel Corbeil
Le SoleilOubliez le « pointage » et les grosses équipes pour « sortir le vote ». Élections gagnantes ne riment pas nécessairement avec gros moyens.
Pour l’élection du 26 mars, libéraux et péquistes se sont amenés avec de rutilantes machines électorales dans la grande région de Québec. Ils se sont cassé les dents sur une Action démocratique du Québec qui roulait sur de petits moyens.
Dans la même région, la mairesse Andrée Boucher a fait la démonstration qu’un politicien peut gagner sans équipe et sans argent. Sa campagne victorieuse a coûté 5000 $. En 2006, des conservateurs de Stephen Harper ont remporté une demi-douzaine de circonscriptions fédérales sans que le Bloc québécois ne sache où ils étaient sur le terrain.
Les campagnes électorales ne seront plus les mêmes, croient des stratèges et des députés, du PLQ comme du PQ. Le verdict de l’élection du 26 mars remet en question des façons de faire, a-t-on répété au Soleil, ici comme ailleurs dans la province.
En tout premier lieu, il y a le « pointage ». Cette opération consiste à repérer avant le vote les sympathisants à « la » cause, pour tout faire en vue de les amener à l’urne. Les péquistes ont consciencieusement noirci les « cartes de bingo », ces tableaux provenant du Directeur général des élections, où ils inscrivent les noms de ceux qui penchent en leur faveur, ceux qui voteront contre eux, ceux qui sont « indécis » comme les « discrets ».
Dans le langage d’un péquiste, « le PQ se cherche des amis » lorsqu’il se prête à cet exercice. Dans Louis-Hébert, à 17 h 30, 77 % des « amis » présumés avaient voté. Le hic, là comme dans bien d’autres circonscriptions, c’est que le résultat électoral infirme le pointage.
Les militants d’André Boisclair ont conduit sans le savoir des adéquistes à la boîte de scrutin. Un haut gradé libéral a confirmé que le pointage libéral a aussi fait sortir le vote de partisans du chef de l’ADQ, Mario Dumont.
« Moi, des gens qui mentent lorsqu’on fait le pointage, je n’avais jamais vu ça », a indiqué un député péquiste battu dans l’ouest de la province. « De plus en plus, le pointage ne vaut rien », a critiqué un organisateur à Québec.
Le député libéral Norm MacMillan a fait valoir que le concept de machine électorale est « dépassé. C’était ma sixième campagne électorale et sûrement ma meilleure, a commenté le représentant de Papineau. Je pense que c’est fini le pointage. On va devoir faire autre chose. J’ai gagné par 4000 voix. Mais quand tu en perds 5000 par rapport à la dernière élection… »
Norm MacMillan s’est montré décontenancé par le score de l’adversaire de l’ADQ qui a fini troisième, tout près du PQ dans Papineau. « L’adéquiste ? Zéro débat. Pas d’entrevues avec des journalistes. Pas de pancartes. Moi, j’ai rempli mes promesses dans le comté et mes… salles. »
Le président du PQ de Chaudière-Appalaches, Claude Lachance, a rapporté que son organisation avait appris du précédent scrutin. Dans Bellechasse, cette fois-ci, peu de pointage. « En 2003, on en avait fait énormément » dans Bellechasse pour finir troisième. En 2007, le PQ a fini au même rang, mais l’ADQ a détrôné le PLQ.
« On ne les voit pas, on ne les sent pas, mais ils sont là, le jour du vote, a-t-il dit des adéquistes. C’est un curieux de phénomène. Les gens ne se vantent pas de voter ADQ, mais ils sont là. »
M. Lachance croit que les campagnes électorales sont devenues des campagnes présidentielles. Les chefs dominent tout le débat. Dans Bellechasse, a-t-il avancé, le candidat adéquiste Jean Domingue l’a emporté, même s’il n’est pas du comté et inconnu de la population. « C’est une grande leçon d’humilité pour ceux qui pensent que le candidat fait une différence. »
À l’Action démocratique du Québec, Sylvie Roy, réélue dans Lotbinière, s’est rappelé avec amusement de sa campagne victorieuse en 2003. « C’était la technique de la termite. On gruge du vote un peu partout. Et puis, boom ! Ça s’effondre. Ils (péquistes et libéraux) ne m’ont jamais vu venir.
Éclipse
« Les sondages, les pointages, les machines, il ne faut pas juste penser à ça. Sinon on n’aurait pas d’élections. » D’autant plus que la technique du pointage a amené des adéquistes à se faire discrets lorsque interrogés. « Beaucoup se sont fait engueuler lorsqu’ils disaient qu’ils voteraient pour moi », a-t-elle avancé.
Les machines électorales subissent probablement une éclipse temporaire, a convenu Mme Roy. « Quand c’est serré, cela peut faire la différence. »
Pour un conseiller de Jean Charest, « c’est ce qui nous a fait gagner dans Louis-Hébert (Sam Hamad). Mais la meilleure machine électorale péquiste dans Jacques-Cartier (forteresse libérale anglophone de Montréal) perdra toujours. Il y a des mouvements contre lesquels aucune machine ne peut résister », a-t-il conclu en plaçant le 26 mars dans cette catégorie.
Norm MacMillan constate aussi qu’une marée adéquiste a monté dans plusieurs circonscriptions. « Morale de cette histoire (le résultat électoral), a-t-il ajouté, c’est que les gens nous ont dit de changer nos manières de gouverner et de faire de la politique. »
À lire également dans la série d’articles de Michel Corbeil du Soleil sur les “machines électorales”:
Tags: ADQ, élection générale 2007, comportements électoraux, DGE, organisation politique, PLQ, PQ, sondages