Le Soleil a publié hier une série d’articles sur les “conclusions” à tirer du vote du 26 mars dernier, notamment en ce qui a trait aux comportements électoraux de certains segments de la population québécoise. D’abord, Martin Pelchat, il parle des comportements électoraux dans les banlieues, particulièrement celle de Québec, citant notamment les travaux de géographie électorale de Paul Villeneuve, chercheur associé à l’École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional de l’Université Laval, travaux donc nous avions d’ailleurs parlé durant la dernière campagne électorale:
Le dimanche 29 avril 2007
LES LEÇONS DU 26 MARS
La banlieue a parlé…
Martin Pelchat
Le Soleil
QuébecC’est un mouvement qui dépasse même les frontières de l’Amérique du Nord qui a propulsé l’ADQ à l’avant-scène du Québec politique, il y a cinq semaines. Un mouvement qui prend sa source dans la montée des banlieues et qui, n’en déplaise au PLQ et au PQ, n’est pas près de s’essouffler.
Le chercheur Paul Villeneuve en a vu les premiers signes après l’élection de 2003, quand Mario Dumont a raflé 28 % des voix dans la capitale. En y regardant de plus près, la percée adéquiste dans le 450 devenait dès lors probable, dit-il. Et lorsqu’il se tourne vers l’avenir, M. Villeneuve a l’œil sur Laval, où l’ADQ a terminé deuxième dans quatre circonscriptions sur cinq le 26 mars. « S’il y a un autre endroit au Québec qui passe à l’ADQ, ça va être là je pense. »
L’ADQ eut-elle pris ces quatre circonscriptions aux libéraux le 26 mars qu’elle formerait aujourd’hui le gouvernement.
Suburban strategy
« Suburban strategy » : ce sont les maîtres mots des succès adéquistes, estime ce chercheur associé à l’école supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional de l’Université Laval, qui, avant le dernier scrutin, avait analysé trois élections depuis 2003 à Québec dans une perspective de « géographie électorale ».
En examinant la distribution des résultats par bureaux de vote, il a constaté que le comportement électoral en banlieue était plus conservateur et adéquiste. « Si on regarde la prochaine élection et les années à venir, comme les banlieues et les milieux suburbains ont un taux de croissance de population plus élevé que les quartiers centraux, on peut donc penser qu’il y a une tendance à ce que cette orientation augmente », disait-il quelques jours avant que Jean Charest ne lance la dernière course et bien avant que Mario Dumont ne remporte assez de sièges pour former l’opposition officielle.
Comment expliquer cette tendance conservatrice de la banlieue ? Les valeurs du mode de vie de banlieue, royaume de la classe moyenne où chacun a sa maison et son auto, seraient plus associées au désir de contrôler sa vie, son milieu, le plus possible, explique M. Villeneuve. Plus grande ouverture au privé, que ce soit à l’école, pour assurer la réussite de ses enfants, ou en santé. Désir de payer moins de taxes. Et un style de vie qui passe moins par les regroupements, par les stratégies collectives, plus populaires dans les centres-villes.
De Reagan à Blair
Ronald Reagan, le premier, a entrepris de courtiser les banlieusards avec sa « suburban strategy » à mesure que la population américaine se « suburbanisait ». Bill Clinton et ses démocrates lui ont emprunté la recette. Et même l’Anglais Tony Blair. Le Québec n’allait pas y échapper dans la mesure où la moitié de la population du Québec vit dans un milieu de banlieue, observe M. Villeneuve.
Il s’agit donc pour un parti politique de développer un discours et des politiques qui répondent aux besoins de ce milieu de vie. Un des engagements typiques d’une « suburban strategy » est de baisser les impôts. Ce qui fait par exemple que Mario Dumont aura bien du mal à voter contre celles que promet Jean Charest dans le prochain budget, estime M. Villeneuve. « Devant son électorat, il ne pourra pas s’opposer à ça. »
Sur la foi des résultats dans le 450, notamment de la percée adéquiste en Montérégie jusqu’à Huntingdon, près de la frontière américaine, Paul Villeneuve avance aussi que les thèmes privilégiés par Mario Dumont correspondent mieux au système de valeurs « des gens qui vivent dans le monde des PME », peu syndiquées et plus hostiles à l’intervention de l’État. Dans cette région s’est d’ailleurs développée une agriculture industrielle prospère, souligne-t-il. « Sur les routes de campagne, on rencontre des camions de livraison qui vont d’une PME à l’autre », ajoute le géographe. En Beauce et dans le centre du Québec aussi, où l’ADQ a cartonné, les PME sont reines. « C’est dans ce milieu que l’ADQ obtient du succès », dit-il.
Comme si Mario Dumont avait fait sa niche entre la ville et les régions-ressources, qui ont voté pour le PQ et où prédominent encore la grande industrie et les grands syndicats collectivistes.
Et Québec, ville de fonctionnaires ? N’oublions pas que la région, pour pallier à la réduction de l’État, a entrepris une reconversion industrielle et contribue beaucoup à la nouvelle économie, souligne Paul Villeneuve. Mais non sans noter que la vague adéquiste s’y est heurtée à une poche de résistance dans le tissu plus urbain, comme dans Taschereau.
Quant à Gilbert Lavoie, il parle du vote de la clientèle étudiante dans les résidences des campus universitaires et semble faire l’adéquation “vote pour le PQ=appui au gel des frais de scolarité” et “vote libéral et ADQ=appui au dégel”. Ça nous semble un peu simpliste comme conclusion, comme si les étudiants dans leur ensemble votaient uniquement en fonction d’un seul enjeu qui les concerne directement. De plus, il ne faut pas perdre de vue le fait que les étudiants résidant sur un campus universitaire n’ont pas nécessairement les mêmes caractéristiques socio-économiques que ceux qui résident hors-campus (donc, les comportements électoraux peuvent varier entre les deux). Bref, Gilbert Lavoie semble manquer de prudence ici:
Le dimanche 29 avril 2007
Pas si péquistes, les campus
Gilbert Lavoie
Le Soleil
QuébecMalgré sa bataille contre le dégel des droits de scolarité, le Parti québécois n’a pas obtenu de majorité absolue sur les campus de la province aux dernières élections. C’est ce qui ressort d’un relevé des boiîtes de scrutin, obtenu par Le Soleil, sur six des principaux campus de la province. Le vote combiné des deux partis qui proposaient le dégel des droits de scolarité, le PLQ et l’ADQ, a talonné et même dépassé celui du PQ sur certains campus, dont Laval et Trois-Rivières.
Le vote étudiant est généralement associé au Parti québécois et à la cause souverainiste, mais il a toujours été difficile de quantifier cet appui, parce que la majorité des étudiants vivent et votent à l’extérieur des campus universitaires. À la demande du Soleil, le bureau du Directeur général des élections a vérifié les résultats des boîtes de scrutin sur les campus. L’échantillonnage est mince, mais il confirme que si les étudiants sont en général plus favorables au PQ, ils ont flirté abondamment avec tous les autres partis le 26 mars, privant André Boisclair d’appuis précieux.
Ainsi, le Parti québécois n’a même pas obtenu de majorité absolue à Montréal, Laval, Sherbrooke, Trois-Rivières et Rimouski. Il y a recueilli 437 votes, contre 554 pour ses adversaires. Les résultats du PQ seraient encore plus faibles si l’on tenait compte du vote des campus anglophones comme Concordia, qui ont appuyé massivement les libéraux.
Les verts et Québec solidaire étaient aussi opposés à un dégel des droits de scolarité, mais le PQ était le seul parti qui avait une chance honnête de barrer la route aux libéraux. Or malgré leur promesse de dégeler les droits de scolarité, Jean Charest et Mario Dumont ont recueilli des appuis substantiels sur les campus francophones, avec un total de 378 votes, soit seulement 59 de moins que le PQ.
Cette situation est doublement gênante pour les associations d’étudiants qui se préparent à lancer la bataille contre le dégel des frais de scolarité à l’automne. Gênante d’abord pour les anglophones, dont les associations affirmaient la semaine dernière, que Jean Charest n’avait pas obtenu de mandat pour hausser les droits de scolarité. Déclaration surprenante quand on regarde les résultats du bureau de scrutin de Concordia, où les libéraux ont obtenu une majorité écrasante…
Du coté francophone, les associations étudiantes ont milité contre la hausse des droits pendant la campagne électorale, mais elles n’ont pas demandé à leurs membres d’appuyer le PQ. La Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) a mis une caravane sur la route pour dénoncer les intentions libérales pendant la campagne électorale, mais elle s’est abstenue d’appuyer le Parti québécois. « On ne s’est pas vraiment posé la question. Nous avons informé les étudiants et les avons laissé faire leur choix librement », a expliqué le président de la FEUQ, Jean Patrick Brady. Même son de cloche à la CADEUL, de l’Université Laval.
Un appui formel au PQ aurait-il changé la donne ? Il n’aurait certainement pas nui, si l’on considère le nombre important d’étudiants qui ont donné leur appui aux verts, à Québec solidaire, et même aux libéraux et aux adéquistes.
Les chiffres des quelques boîtes de scrutin sur les campus n’ont pas la prétention de représenter parfaitement le vote étudiant, mais ils en sont un bon indice, d’autant plus qu’ils sont très près des données recueillies par les sondeurs auprès des 18-24 ans, dans les jours précédant le vote.
Tags: ADQ, comportements électoraux, géographie électorale, Mario Dumont, PLQ, PQ, PVQ, QS, Suburban strategy, vote étudiant
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